Abri(s) de fortune(s)
Jardin de la Galerie Nei Liicht et ancienne résidence du Directeur de la multinationale de l’acier, l’ARBED.
Dudelange, Luxembourg, 2001
Devant, derrière le paysage ou l’exercice des choses.
L’expérience du paysage que nous fait revivre François MÉCHAIN au travers de ses photographies relève d’un investissement total, plutôt rare dans la création artistique d’aujourd’hui. L’acte sculptural auquel il associe le moment photographique préfigure chez lui, un travail de recherche critique sur le lieu où il explore toutes les strates mnémoniques, géographiques, historiques et politiques du paysage. Plus qu’une traduction de la vérité unique et réductrice l’œuvre de François MÉCHAIN est, d’abord un moment d’interrogation sur la représentation, ou comme il le dit lui-même une vaine tentative à formuler la juste distance. Tout en continuant à explorer tous les registres possibles pour ses investigations, François MÉCHAIN voit, de plus en plus, dans l’acte créateur une manière d’appréhender le monde. Ici à Dudelange il décide de travailler dans le jardin de l’ancienne résidence du Directeur de l’ARBED, puissante multinationale de l’acier, devenue aujourd’hui la Galerie d’art Nei Liicht. Des anciens bâtiments de la tréfilerie, à deux pas de là, il ramène de vieilles plaque d’acier dont il fait une sculpture rappelant l’habitat des sans domicile fixe. Une véritable provocation au Grand Duché du Luxembourg, le pays de consensus, que vient largement renforcer l’ambiguïté du titre Abri(s) de fortune.
L’art en effet, pour lui, est en quelque sorte une gestion des tensions et un exercice répété, engagé et critique des choses qui nous entourent. Ainsi son engagement, en tant qu’exigence de la situation actuelle du monde le porte au-delà de la seule raison paysagère dans une multitude d’interprétations où se joue ce que Michel GUÉRIN appelle la dialectique en acte entre l’ordre des concepts, l’énergie des corps et la force des choses. Le travail de François MÉCHAIN procède toujours de la mise en situation des liens, des relations, des forces et des tensions. C’est en opposant l’éphémère au durable, le naturel au construit, le politique au métaphysique, le photographique au sculptural qu’il nous interpelle sans cesse pour que nous rendions compte nous même de ce qui se trouve derrière et devant le paysage.
à partir d’un texte de Paul di FELICE, Critique d’art, éditeur et concepteur d’expositions.
Luxembourg, 14 février 2001 |